huile essentielle menthe

Menthol et huile essentielle de menthe poivrée : focus sur les risques et sur l’hypertension artérielle

Dans tous les ouvrages d’aromathérapie, l’utilisation de l’huile essentielle de menthe poivrée est très cadrée. Elle est par exemple, à juste titre, strictement contre-indiquée chez l’enfant de moins de 30 mois, les femmes enceintes et allaitantes et puis par ailleurs déconseillée en cas d’hypertension artérielle et de maladies cardio-vasculaires. Pour autant, une étude de 2020 sur le menthol, semble donner des résultats contradictoires à tel point que non seulement, le menthol ne serait pas contre-indiqué en cas d’hypertension artérielle (HTA), mais il aurait, en plus, des propriétés bénéfiques pour diminuer une pression artérielle élevée. Voici un résumé des éléments objectifs à prendre en compte.

L’huile essentielle de menthe poivrée est une des huiles les plus populaires. Elle a une biochimie très spécifique et des propriétés réfrigérantes inégalées. Elle soulage en un instant une nausée, une migraine frontale, ou encore une douleur articulaire ou traumatique. Son effet réfrigérant est déconseillé sur une surface étendue de peau sous peine de retentissement cardiovasculaire négatif. Mais ces propriétés pharmacologiques sont pour autant très complexes. Il faut se pencher sur sa biochimie et décortiquer ses voies d’utilisation, ainsi que les propriétés précises du menthol pour mieux comprendre.

Biochimie et propriétés de l’huile essentielle de menthe poivrée, Mentha x piperita L.

Voilà un résumé synthétique de sa composition biochimique : 

  • Monoterpénols : menthol (au minimum 30 %)
  • Cétones : menthone (entre 15 et 30%), pulégone (maxi 3 à 4 %), isomenthone
  • Esters : acétate de menthyle (jusqu’à 20%, la présence d’ester doit être optimale car ils contrebalancent les effets toxiques potentiels des cétones)
  • Monoterpènes : limonène (environ 2%)
  • Oxydes : 1,8 cinéole (environ 5%)

ZOOM SUR LE MENTHOL

Les propriétés et les risques de l’HE de menthe poivrée découlent principalement de la présence de 30 % de menthol.

Le menthol est connu pour les propriétés suivantes :

  • Décongestionnantes et antalgiques : il est en effet agoniste du TRPM8 (Transient Receptor Potential Melastatin sous- type 8) qui est le thermorécepteur permettant la détection du froid chez les mammifères. L’activation du TRPM8 (et TRPA1), par le froid ou le menthol produit une profonde analgésie dans des modèles de douleur chronique de type neuropathique. Il découle de cette propriété un effet analgésique réfrigérant et décongestionnant en fonction de la dose administrée. C’est un anesthésique local comparable à la lidocaïne.
  • Effet sur la motricité urinaire et intestinale
    Le menthol module les récepteurs TRPM8 dans la vessie et l’intestin, ce qui influence la motricité et peut être exploré pour des troubles fonctionnels et douloureux urinaires ou digestifs.
  • Anti-inflammatoire puissant : De nombreuses études montrent que le menthol diminue la production de cytokines pro-inflammatoires (TNF-α, IL-1β) et module des voies de signalisation impliquées dans l’inflammation, participant à la protection contre les dommages inflammatoires aigus et chroniques. Cette propriété est mise à profit dans les états inflammatoires respiratoires pour décongestionner et évacuer les mucosités rebelles, ainsi que sur les muqueuses digestives ou urinaires ou même sur la peau.
  • Antibactérien, antiviral et antifongique : Le menthol inhibe la croissance de certaines bactéries, virus et champignons, ce qui explique son usage dans les soins bucco-dentaires, l’herpès et certains traitements topiques.
  • Action vasculaire différente en fonction de la voie d’administration : Ses propriétés vasculaires sont apparemment très complexes, et dépendent du site d’application et des territoires profonds potentiellement touchés. Voie cutanée et voie interne n’apportent pas les mêmes effets.
    • Vasoconstriction cutanée : Dominante en application topique (gels, baumes), elle résulte de l’activation des récepteurs TRPM8 et de la réponse sympathique. Exemple : Réduction de 20 à 30 % du diamètre des artères radiales ou poplitées après application locale de gel à 3,5 % de menthol. Ce qui est mis à profit notamment pour l’insuffisance veineuse chronique.
    • Vasodilatation systémique (c’est-à-dire générale) : Observée lors d’une administration prolongée (orale ou transdermique), au-delà de 100mg de menthol par jour, médiée par des voies endothéliales et neuro-modulatrices. Exemple : Augmentation de 15 % du flux sanguin brachial après 8 semaines de supplémentation chez l’humain.
  • Action GABAERGIQUE : Il agit comme modulateur allostérique positif des récepteurs GABA A, renforçant l’inhibition neuronale et contribuant à ses effets relaxants et anxiolytiques.
  • Modulation des récepteurs nicotiniques et effets neuroprotecteurs :
    Le menthol module les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine (notamment α3β4 et α4β2), ce qui peut influencer la transmission nerveuse, la dépendance à la nicotine et la neuroprotection (sevrage tabagique, entretien de la santé cérébrale).
  • Anti-galactogène (évoqué en expertise clinique) : il coupe la montée de lait chez la femme allaitante

En conclusion : le menthol est majoritairement vasoconstricteur en application cutanée locale (effet recherché dans les migraines/traumas/jambes lourdes), mais peut être vasodilatateur en administration systémique (par voie interne) ou sur certains tissus vasculaires profonds. Cette dualité s’explique par la multiplicité de ses cibles biologiques (TRPM8, canaux calciques, système sympathique). Par ailleurs l’application de menthol sur des zones précises comme l’intérieur du bras ou la zone popelitée peut amener des effets antihypertenseurs. 

Le menthol possède les risques suivants :

Les études scientifiques disponibles indiquent que le menthol peut provoquer un spasme glottique dans certaines conditions, particulièrement chez les enfants. Voici les explications mécanistiques et épidémiologiques :

  • Irritation des voies respiratoires et réflexe laryngé : Le menthol, en cas d’exposition accidentelle ou d’inhalation concentrée, irrite les muqueuses laryngées, déclenchant une réponse réflexe de contraction des muscles du larynx (spasme glottique). Ce mécanisme est documenté dans les rapports de toxicovigilance : Une étude de l’Anses rapporte des cas de laryngospasme et dyspnée liés à l’inhalation d’huiles essentielles contenant du menthol, notamment chez des enfants exposés à des sprays ou diffuseurs. Le spasme glottique serait une réaction de défense contre l’irritation chimique, visant à protéger les voies aériennes inférieures.
  • Neurotoxicité des cétones (menthone et pulegone) : la présence de cétones neurotoxiques dans certaines huiles essentielles de menthe aggrave ce risque : menthol et la menthone peuvent induire des spasmes bronchiques et glottiques chez l’enfant, en agissant sur les récepteurs sensoriels du nerf vague et en provoquant une hyperréactivité laryngée. Ces composés perturbent les canaux ioniques des neurones sensoriels, entraînant une dépolarisation excessive et une contraction involontaire des muscles laryngés.

La population à risque : enfants et nourrissons

Les études cliniques et rapports toxicologiques mettent en évidence une vulnérabilité accrue chez les enfants : le diamètre étroit du larynx pédiatrique favorise l’obstruction complète lors d’un spasme. Des cas de spasme glottique sévère (nécessitant une intubation) ont été rapportés après exposition à des produits à base de menthol concentré (baumes, inhalateurs).

Les situations à risque incluent :

  • Surdosage dans les produits ménagers ou cosmétiques (sprays, diffuseurs).
  • Utilisation inappropriée chez les enfants de moins de 6 ans (huiles essentielles pures ou trop concentrées).
  • Co-exposition avec d’autres irritants (ammoniums quaternaires, éthanol) amplifiant l’effet 

Il n’existe pas d’étude clinique qui évaluent la toxicité du menthol pendant la grossesse (et l’allaitement), son risque fœto-toxique doit aussi être pris en compte.

Conclusion : Le menthol ne se limite donc pas à ses effets sensoriels. Il possède des propriétés pharmacologiques puissantes et complexes : anti-inflammatoires, antalgiques, anti-infectieuses, anesthésiques locales, décongestionnantes, modulatrices des récepteurs ioniques (TRPM8, GABAAA), et a des effets sur la circulation sanguine et la motricité des organes. 

Propriétés de l’huile essentielle de menthe poivrée 

L’HE de menthe poivrée ne se limite pas à sa molécule de menthol. Il faudrait des études pour objectiver l’ensemble de ses propriétés intrinsèques et de ses risques, qui doivent sensiblement différer de ceux du menthol. Pourquoi ? Parce que les molécules d’entourage jouent aussi un rôle fondamental dans la pharmacologie de toute huile essentielle. Et là précisément l’ester (l’acétate de menthyle) à hauteur d’au moins 20%, amène une promesse d’effet spasmolytique, parasympathique, et de moindre toxicité neurologique des cétones, sans même vouloir minimiser la toxicité de l’HE de menthe poivrée, bien réelle. 

L’expertise clinique nous apporte les propriétés de l’HE de menthe poivrée :

  • Tonique digestive : sur le foie précisément, et les intestins, cholagogue et cholérétique : pour calmer des nausées, digérer plus facilement, améliorer le transit…
  • Déspasmante : muscles urinaires, respiratoires et digestifs : pour gérer des douleurs spasmodiques,
  • Anti-inflammatoires sur toutes les muqueuses urinaires, digestives, respiratoires : très efficace sur les problèmes d’intestins irritables par exemple,
  • Décongestionnantes et oxygénatrices sur les voies respiratoires : pour déboucher le nez et les sinus,
  • Réfrigérante et anesthésiante par contact direct : gestion de la douleur articulaire, névralgique, post traumatique, migraines frontales et temporales, 
  • Anti-infectieuse (parfois) : anti-herpétique d’excellence,
  • Anti-galactogène : Elle coupe la montée de lait chez la femme allaitante (à condition d’avoir un sevrage sans transition pour éviter tout risque de contact du bébé avec l’huile essentielle de menthe poivrée, ne serait-ce que par olfaction),
  • En application locale sur la peau, l’HE de menthe poivrée provoque une vasoconstriction des territoires en surface, suivie d’une vasodilatation réflexe favorisant la résorption des médiateurs inflammatoires. Ces propriétés vasculaires semblent améliorer le drainage lymphatique et la résorption d’œdème interstitiel.
  • Par voie olfactive, l’HE de menthe poivrée a des propriétés scientifiquement prouvées comme :
    • 1. Effets neurophysiologiques mesurés par EEG : relaxation cérébrale et de stabilité physiologique, diminution significative de la pression artérielle systolique, sans effet significatif sur la fréquence cardiaque.
    • 2. Effets sur l’anxiété et le stress en contexte clinique : l’inhalation d’HE de menthe poivrée (coton imbibé placé à 20 cm du nez pendant 1 heure) réduit l’anxiété comparativement à un placebo, sans effet indésirable rapporté sur la fréquence cardiaque ni la pression artérielle.
    • 3. Effets cognitifs et EEG sous stimulation olfactive :
      • augmentation des ondes alpha mesurée par EEG, dans le cortex préfrontal, facilitant l’apprentissage et la réflexion.
      • amélioration de la vigilance et la performance cognitive, en modulant l’activité cérébrale 
      • capacité d’attention augmentée sans générer de stress.

Précautions d’utilisation et contre-indications de l’huile essentielle de Mentha x piperita

On peut souligner la différence entre une précaution d’utilisation qui est donnée à titre de prudence souvent par manque de preuve de l’innocuité (elle peut être un jour potentiellement levée/confirmée avec l’obtention d’une objectivation de son innocuité/son risque avéré), et puis la contre-indication qui est une interdiction stricte qui ne changera jamais car le risque est établi, voire prouvé. 

L’huile essentielle de menthe poivrée est strictement contre-indiquée chez :

  • La femme enceinte et allaitante,  
  • L’enfant de moins de 30 mois et déconseillée entre 30 mois et 7 ans, 
  • En diffusion atmosphérique
  • Le sujet asthmatique et épileptique
  • En application sur une surface étendue de peau à l’état pur ou trop concentré,
  • En cas d’allergie ou d’intolérance à l’huile
  • En prise de médicaments à marge thérapeutique étroite et/ou métabolisés par le CYP450 : en effet l’HE de menthe poivrée est un inhibiteur du CYP450 et peut par exemple diminuer l’efficacité de certains médicaments pour le cœur, comme les inhibiteurs calciques. 

L’huile essentielle de menthe poivrée est déconseillée en cas :

  • D’hypertension artérielle et de maladie cardiaque : pour lever complètement le risque, il faut l’utiliser par voie orale ou sublinguale, et ne pas perdre de vue la contre indication avec la prise de médicaments pour la santé cardio-vasculaire,
  • D’antécédent de cancer du foie,
  • D’ablation de la vésicule biliaire : risque de diarrhée,
  • De déficit en G6PD : augmentation du risque hémorragique,
  • D’utilisation sur de longue période,
  • D’application locale associée à l’application d’autres médicaments à visée topique (crème, gel, patch…) : il faut largement décaler les applications respectives d’au moins 2 heures, ou bien appliquer sur des zones différentes.

On trouve aussi des recommandations de prudence avec l’HE de menthe poivrée pour des activités stimulantes ovariennes, sans pour autant qu’aucune preuve objective le confirme : à prendre en compte (par prudence), notamment en cas d’utilisation sur le bas ventre répétées et de risque avec les effets oestrogene-like (endométriose, fibrome, cancer de l’endomètre ou du sein).

CONCLUSION

L’expertise clinique sur les utilisations de l’huile essentielle de menthe poivrée et les conclusions d’études sur le menthol convergent vers la même conclusion : l’huile essentielle de menthe poivrée a des mécanismes pharmacologiques complexes. Elle n’augmente pas la pression artérielle après sa mise en bouche ou lorsqu’elle est appliquée localement sur une petite surface, sa concentration dans la circulation générale n’est pas suffisante pour provoquer un effet systémique cardiovasculaire. 

Il manque des études pour pouvoir établir des conditions d’utilisation précises (voie d’utilisation, concentration, posologie, zone d’application) pour affiner des protocoles qui iraient dans une intention de maîtrise de l’hypertension artérielle ou d’apaisement du rythme cardiaque, en cas de palpitation par exemple. 

Cette huile essentielle présente des risques évidents pour les sujets fragiles, (comme les femmes enceintes et allaitantes, les enfants de moins de 7 ans) notamment neurologiques, respiratoires et cardiovasculaires. Sa diffusion atmosphérique en aromathérapie familiale devrait être interdite, car elle est particulièrement dangereuse chez les nourrissons de moins de 30 mois, ainsi que les sujets asthmatiques.

Sources

Current Knowledge on the Vascular Effects of Menthol, Henrique Silva

https://www.anses.fr/fr/system/files/AIR2018SA0145Ra.pdf

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